11.03.16 - 31.03.16
Texte de Ludovic Beillard & Coraline Guilbeau
Pots and pans all spick and span from Fabian contemporary home on Vimeo.
Pots and pans all spick and span sur facebook
Chaque année, au mois d’août, les parents de Sophie s’offrent deux semaines de retraite dans leur maison de campagne en Dordogne. Des semaines pendant lesquelles la ville où ils vivent le reste de l’année laisse oublier sa perversion et son rythme haletant au profit du calme maternel de la nature. Les journées sont longues, et les parents de Sophie, dans une insouciance typiquement estivale, laissent à leur petite fille de huit ans la liberté d’évacuer toute l’énergie caractéristique des enfants de cet âge. Elle court, elle chante, elle joue avec les animaux. Caresser les poules, lancer la balle des chiens. Il arrive qu’une coccinelle vienne se poser sur son doigt pour y faire sa toilette, et d’autres fois elle reste simplement assise dans les champs de fleurs, à regarder les papillons se lécher les couilles.
Chaque année, au mois d’août, les parents de Sophie s’offrent deux semaines de retraite dans leur maison de campagne en Dordogne. Des semaines pendant lesquelles la ville où ils vivent le reste de l’année laisse oublier sa perversion et son rythme haletant au profit du calme maternel de la nature. Les journées sont longues, et les parents de Sophie, dans une insouciance typiquement estivale, laissent à leur petite fille de huit ans la liberté d’évacuer toute l’énergie caractéristique des enfants de cet âge. Elle court, elle chante, elle joue avec les animaux. Caresser les poules, lancer la balle des chiens. Il arrive qu’une coccinelle vienne se poser sur son doigt pour y faire sa toilette, et d’autres fois elle reste simplement assise dans les champs de fleurs, à regarder les papillons se lécher les couilles.
Sur le papier, on peut très bien vivre dans la déviance sans emmerder
personne. Si on aime renifler l’odeur de son cul, et du moment où on ne
force personne à la partager, il n’y a pas, à priori, de raisons valables pour
qu’on nous contraigne à en arrêter la pratique. Cela dit les bien-pensants
se font toujours un combat personnel de vouloir ramener à la normalité
quiconque aurait l’indécence d’avoir des envies qui s’en éloignent. C’est
par exemple le cas chez les papillons à grosses couilles.
Cette espèce de papillons, découverte en mille huit cent quarante-
quatre par l’entomologiste Jean-Henri Farte, a mis au point une
technique bien particulière pour se nourrir, basée en grande partie sur
les échanges entre les membres de l’espèce. Chaque individu passe
ses journées à chercher des sources de nutriments sur lesquelles il ira
poser ses grosses couilles. Par effet de capillarité, ces nutriments seront
absorbés par les poils de couilles où ils resteront stockés, à la manière
d’un garde-manger. Lorsqu’un spécimen désire se nourrir, il doit aller à
la rencontre d’un autre individu, et lui prélever ces nutriments par le biais
de sa langue, dotée d’un grand nombre de terminaisons nerveuses grâce
auxquelles, en sus de la nourriture contenue, il récoltera chimiquement
des informations précises et propres à l’individu dont il est en train de
lécher les grosses couilles (de la même façon que les chiens s’identifient
à l’odeur). Ces échanges d’informations jouent un rôle primordial dans
le développement de l’aspect social de cette espèce, chez laquelle on a pu
observer la présence de liens d’amitiés entre plusieurs spécimens.
Mais Abraham était différent des autres, il le savait depuis longtemps.
Très conscient de son devoir civique, il posait ses couilles partout où il
le pouvait avec la plus grande rigueur. Pour s’assurer que tous ceux qui
viendraient le lécher repartent rassasiés. Mais lui, de son côté, n’avait
jamais beaucoup apprécié devoir lécher des grosses couilles quand il
avait faim. Un jour, avec beaucoup de honte, il avait découvert combien
il préférait le parfum des fleurs à celui des testicules de ses congénères. Il
avait peu à peu abandonné une pratique au détriment de l’autre, et ce en
le cachant du mieux qu’il le pouvait.
« - Eh bien Abraham ? Tu as perdu l’appétit ? Tu nous ferais pas une
dépression ? »
On s’inquiétait de ne jamais le voir lécher de couilles.Très sérieux dans sa
collecte de nutriments, il était rapidement devenu populaire au sein de sa
communauté. Beaucoup de papillons le connaissaient, et savaient à quel
point on se régalait en allant déjeuner entre ses pattes. Ses phéromones
étaient connues de tous. À l’inverse, Abraham demeurait enfermé dans
sa solitude en ne léchant les couilles de personne. Il voyait tous ces
papillons voleter de toute part, mais n’en connaissait aucun. Il n’avait
que les fleurs en guise de compagnie, elles qui restaient si désespérément
muettes à ses tentatives de dialogues. Il était déjà très malheureux le jour
où Sophie lui arracha les ailes dans un élan destructeur caractéristique
des enfants de huit ans.
CI-CONTRE
- Abraham se délecte d’une tulipe en prenant soin d’être caché de tous.
- Gravure biblique mettant en scène la double vie d’Abraham
- Abraham déflore pour la première fois
- Abraham subit les tentations florales pour la première fois, bien avant
qu’il n’y cède définitivement
- Abraham parmi toutes ses conquêtes, lesquelles ignorent tout de lui
- Abraham dans la luxure
- Abraham langoureux
- Abraham langoureux
Hector Latrille
Depuis toujours, quand Fabian arrive à son domicile, les clefs sont jetées
sur le comptoir, ou glissées au fond d’une poche. Partir devenait compliqué,
impossible de remettre la main sur celles-ci. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Aujourd’hui, Cyril Debon a conçu pour Fabian un accroche-clef mural.
Pas de quoi s’enthousiasmer outre mesure cela dit. À l’image de toute la
démarche artistique de Cyril Debon, cet accroche-clef mural ne remporte pas
la palme de l’intérêt. Une oeuvre à l’image de son innocence et de sa bêtise.
L’exposition Pots and pans all spick and span présente ainsi l’accroche-clef
mural en question et une série de propositions réalisées en déclinaison de la
commande passée.
Les clefs de Fabian seront désormais suspendues à un crochet fixé sur un
support rectangulaire en résine. Sur ce même support, on trouve scellés deux
porte-savons rotatifs (assortis de ces somptueux savons jaunes odeur citron),
ainsi que l’empreinte d’une petite grenouille. S’ajoute à cela une sculpture
composée des mêmes matériaux que celle de l’accroche-clef : rectangle de résine
(sur lequel est peint une scène caractéristique des images que l’on retrouve dans
la peinture de Cyril) et un porte savon. L’exposition présente également une
série de papiers de chine tendus, imprimés d’un motif de papillons peints.
Enfin, Hector Latrille propose un texte écrit suite à l’envoi que Cyril lui a fait
des dessins préparatoires pour les peintures représentant un nuage de papillons.
Ainsi, tout semble s’être construit sur un enchaînement logique de formes,
permettant de produire des échos entre elles. Cet accroche-clef mural est,
nous l’avons vu, composé d’un porte savon et de l’empreinte d’une grenouille
(batracien que l’on peut retrouver ponctuellement dans les peintures de Cyril,
bien souvent personnifiés). Dans le clip Love is all tiré de l’album The Butterfly
Ball and the Grasshopper’s Feast, c’est bien une grenouille qui joue le rôle du
ménestrel, incitant en musique les autres animaux à le rejoindre. C’est avec
une certaine évidence que le motif du papillon s’est présenté à Cyril comme
une forme à étudier, devenant dès lors, le motif principal de ces peintures
suspendues, puis le héros d’une histoire écrite par Hector Latrille. Logique encore, le dernier porte-savon restant inutilisé, il s’est retrouvé sur la
sculpture pour salle de bain.
Dans les peintures de Cyril, beaucoup de personnages (que ce soit des amis
représentés ou des autoportraits) apparaissent «en situation» (Facebook
gurlz, Teddy Coste au Japon, etc.). Dans Have you ever had a dream? (2013)
et No David, they are not (2013), les peintures sont mêmes augmentées d’un
mécanisme technologique permettant de les animer (balaiement du regard
et tablette tactile opérative). La plastique des corps y est bien souvent sur-
valorisée, exagérée, la musculature particulièrement développée, comme si la
tête de ses personnages avait glissée sur des corps ne leur correspondant pas.
Voir à ce propos Gaillard oversized (2013) ou You’re beautiful when you don’t talk
(2014). C’est potache, on n'y croit pas un seul instant.
Candide, Cyril Debon semble chercher un apprentissage superficiel de la
jouissance (ce qui excite la convoitise, le désir amoureux, la concupiscence
charnelle) avec une telle innocence que cela en deviendrait presque attendrissant.
Sa naïveté enfantine le conduit à concevoir des ramettes de papier dont le
quadrillage a priori normé est ici désaxé du modèle standard, incitant l’écolier à
écrire de biais (Papier canaille, 2014).
Encore une fois, rien d’étonnant à ce qu’il se soit spontanément tourné vers un
porte-savon classique des écoles ou des collectivités. Qui plus est, aujourd’hui,
le savon mural rotatif revient en force, et c’est d’un sacré chic que d’en installer
un dans sa salle de bains.
«Faire rouler le savon sur vos mains mouillées, frotter les jusqu’à obtention
d’une mousse, puis rincer avec de l’eau claire.»
Nous l’avons compris, si connotation sexuelle il n’y a pas, Cyril Debon ne s’y arrêtera pas.
Nous l’avons compris, si connotation sexuelle il n’y a pas, Cyril Debon ne s’y arrêtera pas.
Filant cette logique élémentaire et ingénue, il en vient à concevoir en 2014
des Pochettes surprises (toiles enroulées en forme de cornet contenant une série
d’oeuvres authentiques d’artistes divers), les pièces artistiques devenant des
«surprises» découvertes après l’ acquisition du support qui les contient.
Sur ses pochettes surprises, les personnages (qui pourraient être issus de
l’univers du contes de fée) que Cyril représente, s’affichent dans des scènes
stéréotypées qualifiées de «romantiques» (mais nous préférerons le qualificatif
de mièvre) et poussées à l’excès dans le cliché.
La «sculpture pour salle de bain» comme il l’appelle, en est un parfait exemple :
une femme caresse la jambe nue de l’homme-étalon dans son dos qui, regard au
loin, affiche un air imperceptible et déterminé. Tous les personnages de Cyril
posent, comme s’ils avaient déjà conscience de l’image qui sera renvoyée d’eux
une fois la toile peinte.
Les personnages peints ont-ils conscience de la niaiserie de leur représentation ?
Chacun d’eux faisant bien souvent l’étalage d’une de leurs qualités pour se faire
valoir et attirer l’attention sur eux-même. (Gaillard oversized (2013) ou You’re
beautiful when you don’t talk (2014)).
The Butterfly Ball and the Grasshopper’s Feast est le titre d’un album produit
par Roger Glover en 1974. La chanson Love Is All, de par sa récupération
médiatique à différents niveaux et sur différentes périodes de temps l’a
transformé en un tube universel et intemporel. Selon toute vraisemblance,
l’enfance de Cyril a été fortement marqué par ce clip animé et cet album
puisqu’il en garde des stigmates profondes aujourd’hui, perceptible dans le
choix de ce titre d’exposition.
Le titre de l’exposition reprends en réalité les premiers vers de la chanson
Saffron Dormouse and Lizzy Bee, troisième titre de l’album The Butterfly Ball
and the Grasshopper’s Feast.
Dans le clip animé Love is all, divers animaux se rassemblent dans une parade
joyeuse et hétéroclite, tous emportés par la musique entrainante, dans une fièvre
à caractère humaniste. Historiquement (au XVIIIe), dans l’art dramatique plus
particulièrement, la parade désignait une courte pièce, à caractère grossier,
adressé à un public restreint. Un siècle plus tard, elle fut comprise comme
l’expression désignant une pièce plus que médiocre : ratée.
Question blague superficielles et premier degré, Cyril excelle en la matière : sur
la grande toile suspendue, la jolie fleur joue la timorée comprenant qu’elle va se
faire chatouiller par la horde de «papillons à grosses couilles» qui l’entoure. Sans
doute est-elle à comprendre une fois de plus, comme l’image de la cérémonie
précédant l’accouplement.
Tendre ? Mignon ? Puéril.
Avec les oeuvres de Cyril Debon, on ne peut que être déçu, il serait bien illusoire
de s’attendre à mieux de sa part. Dans une installation-performance datée de
2014, Cyril Debon demanda à Hector Latrille de tenir une permanence dans
l’Hôtel du Pavillon de Bordeaux et de rédiger à cette occasion un texte (texte
écrit sur le fameux Papier Canaille).
Cette expérience est plus ou moins reconduite, à des degrés divers pour
l’exposition Pots and pans all spick and span, puisque Hector Latrille a été invité
par Fabian a rédiger un texte poétique sur une manière d’entrer dans les toiles
de Cyril.
Par une anodine conversation avec Cyril, on mesure assez rapidement à quel
point ses idées sont bancales, maladroites et puériles; la suffisance visuelle ayant
remplacé l’étude des enjeux que ses formes proposent.
Cyril est fragile. C’est un être sensible. Il à l’air d’être particulièrement affecté
par le regard que l’on va pouvoir porter sur son travail.
On ne peut que regretter le fait que ces formes proposées, séduisantes au prime
abord ne soient que la représentation simpliste de sentiments et rapports
humains plus complexes. Cette nouvelle installation révèle de manière évidente
l’incapacité de Cyril Debon à déterminer sa position au vu du champ exploré et
son absence de réflexions nouvelles à apporter sur le sujet.
Loin d’être convaincu par tant de bêtise, le spectateur pourra malgré tout
apprécier le cadre agréable qu’est l’appartement Fabian, s’enrichissant chaque
mois par ses dernières acquisitions, et offrant par ailleurs, une vue imprenable
sur le quartier Saint-Boniface.
Cyril Debon semble chercher à comprendre le sens de ses réalisations. Ça
tombe bien, nous aussi. Aujourd’hui, il doit se sentir bien seul. Et bien, nous
ne chercherons pas à le secourir de ce naufrage dans lequel il semble se complaire.
Ludovic Beillard & Coraline Guilbeau
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